Les femmes sont à un point de rupture.
Elles ont été en première ligne de la réponse à la pandémie, représentant plus de 80 % des travailleur·euse·s de la santé canadien·ne·s. Dans le même temps, elles ont subi des pertes d’emploi généralisées, des réductions de salaire et une augmentation dévastatrice de la violence fondée sur le genre. Sur presque tous les sujets, ce sont les femmes qui ont fait les frais de la pandémie de COVID-19.
En outre, l’augmentation du travail de soins non rémunérés a été écrasante, en particulier les soins aux enfants. Les fermetures prolongées d’écoles, les fermetures de garderies et le manque général de services de soins obligent les femmes à quitter le marché du travail en masse. Dans l’ensemble du pays, selon les Services économiques de la RBC, les mères sont 12 fois plus nombreuses que les pères à quitter leur carrière pour s’occuper de leurs enfants, surtout les femmes ayant de jeunes enfants. Cela explique en partie pourquoi la participation des femmes au marché du travail au Canada a chuté à des niveaux jamais vus depuis les années 1980.
Mais le travail de soins non rémunéré ne se limite pas à la garde des enfants. C’est aussi s’occuper des personnes âgées, des personnes en situation de handicap et des personnes souffrant de problèmes de santé chroniques. Cela comprend les activités qui permettent le fonctionnement de la vie quotidienne, comme la cuisine et le nettoyage. Malheureusement, malgré le rôle essentiel qu’il joue dans la société, ce travail de soins est souvent invisible, sous-évalué et effectué de manière disproportionnée par des femmes confrontées à de multiples formes de marginalisation, telles que les femmes Noires, Autochtones et autres femmes racisées, les femmes en situation de handicap, les femmes migrantes et les nouvelles arrivantes.
Il ne s’agit pas d’un problème uniquement canadien. Les analyses d’ONU Femmes et d’autres agences ont révélé un scénario similaire dans des pays du monde entier comme le Bangladesh, les Maldives, le Pakistan, les Philippines et les États-Unis d’Amérique.
Le déficit de soins est une crise mondiale. Avant même la pandémie, l’Organisation internationale du travail soulignait que plus de 2,1 milliards de personnes ne recevaient pas les soins dont elles avaient besoin. Et ce sont souvent les femmes qui comblent les lacunes. Au niveau international, les femmes fournissent trois fois plus de travail non rémunéré que les hommes. Ce travail de soins non rémunéré représente la somme astronomique de 11 milliards de dollars américains, soit 9 % du PIB mondial.
En tant qu’activistes du mouvement mondial pour l’égalité de genres et en tant que défenseur·euse·s d’une approche féministe intersectionnelle de la relance après la COVID-19, nous avons vu à quel point le travail de soins est essentiel pour faire fonctionner l’économie et soutenir les communautés. Les soins sont une infrastructure essentielle. Tout comme l’absence d’accès équitable aux vaccins, où que ce soit, est une menace pour les populations du monde entier, le manque d’investissement dans l’économie des soins dans certains des pays les plus pauvres du monde met en danger notre reprise économique mondiale collective. Si nous voulons vraiment reconstruire en mieux, nous devons investir dans l’économie des soins avec le même degré d’urgence et d’ambition que pour la campagne mondiale de vaccination contre le COVID-19.
Le temps de la discussion est terminé. Nous avons passé la dernière année et demie à compter sur le travail de soins non rémunéré et sous-payé des femmes pour maintenir la société et l’économie à flot pendant la pandémie.