C’est à l’âge de 12 ans que j’ai été catcalled pour la première fois. J’étais confuse et mal à l’aise lorsque des hommes plus âgés ont commencé à me regarder et à me parler avec des sous-entendus sexuels. J’ai pensé que j’avais dû faire quelque chose pour provoquer ce comportement. Cette idée – que mon corps de préadolescente était provocant – m’a été inculquée à l’école. Lorsque je portais mes collants déchirés ou mon haut avec l’ouverture a l’epaule, mes camarades de classe me traitaient de « salope » et mes professeurs qualifiaient mes tenues d’inappropriées.
Ce n’est que lorsque je me suis plongée dans l’activisme contre le harcèlement de rue que j’ai compris que les catcalls et autres formes de harcèlement sexuel n’étaient pas de ma faute. En 2016, j’ai commencé à écrire mot pour mot des catcalls accompagnés de #StopStreetHarassment dans les rues à la craie là où ils se produisaient, et à les poster sur Instagram à @Catcalls of NYC. Par messages prives, des filles et des femmes ont partagé leurs expériences d’être sexualisées, suivies, touchées et harcelées dans la rue. De nombreuses histoires ont illustré le fardeau disproportionné auquel sont confrontées les femmes de couleur, les personnes trans et non binaires, et les femmes handicapées qui font face à un harcèlement haineux en raison des multiples facettes de leur identité. Les messages expliquaient l’impact néfaste du harcèlement de rue et, surtout, comment le partage d’histoire comme celle-ci a un aspect de guerison. Les histoires montrent que le harcèlement n’a rien à voir avec la tenue vestimentaire d’une personne, mais tout à voir avec le pouvoir.
Fin 2017, le mouvement #MeToo, lancé par Tarana Burke, est devenu viral sur Twitter. Le harcèlement sexuel faisait l’objet d’une attention culturelle nouvelle et, par conséquent, les differents organes de presse du monde entier ont couvert l’histoire de Catcalls of NYC. Le compte Instagram a gagné des dizaines de milliers de followers en une nuit, et ma boîte de réception a accumulé des centaines d’histoires. L’idée d’écrire des catcalls dans la rue a trouvé un large écho, et des dizaines d’antennes mondiales ont vu le jour. Des activistes ont créé des comptes Instagram, notamment Catcalls of Ottawa, Catcalls of Kenya, Catcalls of Berlin, Catcalls of Cairo, Catcalls of DR… et bien d’autres encore.
Six ans plus tard, Chalk Back est un puissant mouvement de jeunes filles, de jeunes femmes, de personnes LGBTQIA+ et de personnes BIPOC sur six continents qui luttent contre le harcèlement de rue. Il s’agit d’un mouvement sur le terrain, co-créé par les personnes qui sont le plus durement touchés par le problème du harcèlement de rue dans le monde. Documentant les histoires de harcèlement à l’aide de craies et des médias sociaux et qui permet aux jeunes activistes de reprendre le pouvoir et de devenir de fervents militant·e·s. Notre objectif est de faire évoluer la culture, et nous y parvenons. Les membres de Chalk Back sont apparu·e·s en direct à la télévision, ont donné des conférences TedTalks, sont devenu·e·s des lauréat·e·s internationaux·ales des droits de l’homme et, surtout, ont poursuivi leur travail sans aucune reconnaissance extérieure et malgré de fréquentes réactions négatives.
Chalk Back adopte une approche intersectionnelle et internationale dans ses efforts de plaidoyer et de construction de mouvements. Nous nous concentrons sur le harcèlement de rue dans le cadre des structures d’oppression. Nous analysons les événements actuels, tels que l’augmentation des lois transphobes et homophobes, les interdictions de livres, les incidents de violence policière raciste et les restrictions à l’avortement aux États-Unis. À l’échelle mondiale, nous avons vu la récente loi ougandaise rendant l' »homosexualité aggravée » passible de la peine de mort, l’exécution de manifestant·e·s en Iran et d’innombrables autres violations des droits de l’homme, et nous nous y sommes opposés. Face à cette marée montante de violence basee sur le genre et raciste, Chalk Back construit une solidarité mondiale à l’aide de craies et d’Instagram. Créer un espace et un moyen pour les membres de la communauté de parler de ces questions est un moyen puissant de défendre toutes les personnes qui sont victimes de discrimination, de harcèlement, d’agression ou de criminalité dans l’espace public.
Le militantisme peut être un parcours avec beaucoup d’obstacles, car nous devons souvent faire face à des idéologies blessantes, à des traumatismes communs et individuels, à des problèmes de santé mentale et à un manque de ressources. En tant que communauté, nous nous inspirons mutuellement, ainsi que tant de personnes victimes de harcèlement, pour continuer à lutter contre ce fléau. Ensemble, nos voix sont si puissantes.
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Bio: Sophie Sandberg est une militante, éducatrice et artiste de rue qui lutte contre la violence basée sur le genre. Elle a créé l’initiative populaire Catcalls of NYC, qui sensibilise au harcèlement de rue à l’aide de l’art à la craie colorée et co-dirige Chalk Back, un mouvement mondial dirigé par des jeunes contre le harcèlement de rue. Le travail de Sophie avec Chalk Back a été présenté dans les médias internationaux, notamment le New York Times, la BBC, CNN, The Independent, Forbes, Vanity Fair et NBC. Elle a travaillé sur des campagnes avec Plan International et l’Initiative des Nations Unies pour l’éducation des filles. Elle est titulaire d’un baccalauréat en art de l’Université de New York en études de genre et de sexualité et poursuit actuellement sa maîtrise en politique artistique. Apprenez-en davantage sur Chalk Back sur Instagram sur www.instagram.com/catcallsofnyc et sur www.chalkback.org.